La livraison 2025 de l’observatoire interne est arrivée. Un certain nombre de tendances ne sont pas des surprises complètes. L’administration va sûrement relever quelques inflexions positives, ce qui est de bonne guerre… Mais cela ne doit pas cacher une tonalité générale dégradée, plombée par une vision pessimiste de l’avenir.
L’observatoire : un succès (statistique) de masse ?
C’est la société BVA qui a réalisé l’étude avec une période d’interrogation étalée sur un mois (mi-janvier à mi-février 2025). Elle a collecté plus de 65 000 réponses, soit près d’1 agent.e sur 2. On peut donc déjà décerner une palme de représentativité. Ce taux de réponse a, par ailleurs, fortement progressé. Il n’était que de 45 % en 2024, 38 % en 2023, contre 51 % cette année.
Les directions répondent de manière variable. Le « meilleur élève » est la DGFIP avec près de 53000 réponses (54 % des répondant.es). La Douane et le SG semblent les plus « rétifs », avec un petit 38 %.
Petit florilège des grandes tendances de l’étude…
Pessimisme triomphant ?
Sur l’évolution globale (passée et à venir), le constat n’est pas vraiment positif : 25 % des répondant.es se déclarent « inquiet » et 33 % « désabusé ». Ce dernier pourcentage est à la fois le plus élevé et peut-être le chiffre le plus cruel : c’est un sentiment dévastateur pour la fonction publique de constater que les agent.es ne croient plus en leur métier.
Même si BVA repère un petit recul des sentiments négatifs par rapport aux années précédentes, il n’en reste pas moins que seulement 9 % des répondant.es se déclarent « enthousiaste » et 5 % « d’heureux ».
A relever : le sentiment positif n°1 reste la motivation. Et bien… vive les agent.es !
Toujours dans cette partie dite « dynamique », ce n’est pas mieux en termes de perception du changement.
A à la question « Est-ce que ma direction évolue dans le bon sens ? », c’est non à 57 % et seulement 27 % pour l’opinion inverse.
Sur le rythme du changement, c’est d’abord « trop rapide » (35 %). C’est un peu moins haut que les années précédentes mais c’est à se demander si ce chiffre un peu en baisse n’est pas liée au côté désabusé évoqué plus haut. Il semblerait qu’une partie des agent.es prend le changement permanent comme une donnée sans en attendre quoi que ce soit.
A noter que sur ces deux items, Bercy est vraiment loin de la moyenne fonction publique qui a des chiffres moins désespérants.
Si on fait un détail par direction, il y a des grandes différences entre les directions à réseaux et les autres. Les premières sont à 60 % et 61 % d’opinion négative respectivement pour la DGFIP et la Douane.
Ce n’est pas mieux par catégorie… Dans toutes les catégories (sauf A+, mais même là, c’est d’un court cheveu…), la perspective négative l’emporte. Pour les agent.es des catégories B et C, le décalage est même abyssal (exemple : 66/19 pour les B et 58/24 chez les C). Et pas beaucoup mieux chez les A (51/35).
Engagement et attachement
Malgré tout, les agent.es restent massivement attaché.es à leur environnement. 68 % des répondant.es se déclarent « satisfaits » (48 % « assez » et 20 % «très ») de travailler au MEF. En revanche, dès que l’on passe à la vision de leur propre avenir au sein de leur direction, on bascule avec une prédominance d’un retour négatif (54 %).
Si on écarte ce dernier critère, cet attachement / engagement est marqué dans toutes les directions et est assez souvent en progression.
La fierté de travailler dans ce ministère / dans sa direction est du même acabit. Les « non-fiers » sont très minoritaires, même si le chiffre n’est pas anodin (23 % au ministère / 22% pour la direction d’affectation). Point à relever : la « fierté » est quand même 10 points en dessous de la moyenne de la fonction publique d’État. Pour un ministère avec une culture aussi forte que la nôtre, cela doit être un réel point d’attention.
Parmi les évolutions des orientations générales, signalons l’engagement environnemental. Il est plutôt salué par les agent.es, avec plus de convaincu.es que de « dubitatifs », ce qu’on peut bien évidemment noter dans la colonne des points positifs.
Information et confiance…
Globalement, les agent.es s’estiment plutôt bien informé.es sur les évolutions. Mais ils et elles ne s’en sentent pas acteur. Sur ces deux points, les chiffres varient assez peu année après année.
En source d’information, le tiercé dans l’ordre est : intranet – organisations syndicales – manager. Il semble qu’il y ait une petite translation de confiance de l’intranet vers le manager.
Les organisations syndicales pourront continuer à se targuer d’un 63 % d’agent.es qui trouvent qu’elles apportent des informations intéressantes. Chiffre remarquablement stable et reproduit dans la plupart des directions.
Fonctionnement et vie dans les services
Sur l’ambiance de travail, les conditions matérielles et la charge de travail, le regard reste globalement positif dans une proportion assez forte.
Sur la qualité de vie au travail en analyse globale, le bilan montre toutefois des grandes disparités : la DGFIP et la Douane étant bien en retrait.
Si au niveau répartition de la charge de travail, c’est un peu moins un satisfecit, c’est plutôt satisfaisant en termes de marge de manœuvre et de définition des rôles.
La mécanique du processus de décision semble aussi satisfaire les agent.es (peut être en opposition avec le point plus haut où les agent.es disent ne pas se sentir acteur des changements).
Le service aux usagers et la collaboration avec d’autres administrations restent considérés de manière positive, comme les outils numériques qui font eux aussi l’objet d’un ressenti plutôt positif.
La hiérarchie peut aussi se féliciter de ne pas se faire démolir. Au contraire, c’est majoritairement un ressenti positif et une confiance prédominante (« mon manager me fait confiance » à 78 %)
Le télétravail semble maintenant définitivement ancré : le ressenti positif (chez les agent.es concernés) culmine à 95 %. Comme le dit l’étude, nous ne sommes pas loin du plébiscite.
Reconnaissance et valorisation
Si les chapitres contenu du travail, valorisation et formation sont dans une tonalité positive et en progression, le sujet rémunération demeure un irritant avec 60 % d’insatisfait.es.
On retrouve un constat déjà fait plus haut avec des directions à réseaux où ce sentiment est plus fort (DGFIP en tête) et une catégorie B bien remontée (notamment chez les B encadrants qui sont déjà plus en défiance dans cette étude), même un peu plus que les C.
Dans la suite logique, les possibilités de promotion sont du même tonneau : 63 % d’avis négatifs. Pour cet item, toutes les directions sont dans le camp des « insatisfaits», même les plus illustres (Direction du Budget, Direction du Trésor …). Et encore une fois la catégorie B est la plus critique, avec toujours le même malus pour les B encadrants.
Sur le chapitre discrimination et possibilités d’alerte, Bercy se voit plutôt attribuer une bonne note. Et en cas d’alerte, la hiérarchie demeure la courroie principale de transmission (avec 69 %), ce qui est un peu logique dans l’administration… loin devant les organisations syndicales (en 2ème position, mais avec plus de 40 points d’écart).
Que retenir de cette « édition » 2025 ?
Le premier point est peut-être qu’elle est incontestablement à méditer : le nombre de répondant.es peut garantir une bonne représentativité des résultats.
Le deuxième aspect est qu’elle n’est pas non plus fondamentalement nouvelle dans ses grandes lignes. L’administration se focalisera certainement sur les points d’amélioration et en tant que représentant.es du personnel nous notons surtout les signaux d’alerte.
L’étude souligne aussi que travailler au MEF,est plutôt apprécié et surtout on y voit l’attachement et l’engagement des agent.es. Avec un tel matériau, en principe, le moral des agent.es pourraient être au beau fixe, mais ce n’est pas le cas. C’est là à la fois un puissant gâchis et une responsabilité terrible de nos gouvernants.
Il y a un profond décalage entre deux sentiments contraires. D’une part, on voit perdurer un réel attachement au service public et à son administration, même avec ses quelques travers. D’autre part, une profonde défiance s’est enracinée. Il est très clair que toutes les décisions budgétaires, toutes les réformes et autres réorganisations, dont l’une semble annoncer la suivante, sans que jamais on ne se pose un peu pour faire un bilan, ont fait le lit de ce sentiment d’inquiétude et de désenchantement.
L’administration pourrait bien sûr se dédouaner en évoquant un contexte global contraignant et assez anxiogène. Mais il y a bien un syndrome bercyen que l’on voit apparaître au détour de l’une ou l’autre question. Il ne vient pas de nulle part. Il est issu du fait que des années, voire des décennies durant, on aurait pu désigner Bercy comme le ministère champion de la purge et de la réorganisation. En ce sens-là, le positionnement pessimiste des agent.es est non seulement tout à fait compréhensible, mais même parfaitement logique !
Pour Solidaires, la responsabilité des réponses à apporter ne peut être que politique. Il faut des inflexions conséquentes sur les rémunérations et les déroulés de carrière, a minima…